Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Jean C. Baudet

Mes mots (fragment d’une autobiographie)

12 Août 2018 , Rédigé par jeanbaudet.over-blog.com Publié dans #Biographie

Longtemps, j’ai tenu un journal intime, à l’encre bleue, dans des cahiers d’écolier. Il m’arrive encore d’en relire quelques pages, me plongeant avec d’étranges sentiments dans un passé à jamais disparu dans les mystères du temps. C’est ainsi que hier soir – à l’heure crépusculaire de la cruelle nostalgie –, je feuilletai le carnet rassemblant mes notes de l’année 1965, me souvenant que cette année-là je terminai la lecture de Les Mots de Sartre. J’avais recopié cette phrase, sans autre commentaire : « J’ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres ». Percevais-je déjà que ce serait aussi mon destin, que mon existence et mon essence consisteraient à lire et à écrire ? Car, pendant plus de cinquante ans, je n’ai cessé de mettre des mots entre moi et les choses, entre mon angoisse et mes douleurs, entre mon passé de grisaille et la noirceur de mon à-venir ! Car, pendant plus de cinquante ans, je n’ai cessé d’assembler des mots en phrases, d’écrire pour me moquer de l’écriture, de soigner mon style pour me moquer de la littérature, de chercher les mots justes pour construire des barricades contre l’enfer des autres et contre les fatalités de l’Être et du Néant.

Plus de cinquante ans après cette année 1965 – j’avais vingt ans ! – , je continue, presque tous les jours, quand la maladie se calme, de confectionner des bouquets de mots, des gerbes de phrases, des couronnes de textes, me souvenant des mots, que j’admirai dans ma jeunesse, de Rutebeuf et de Villon, de Vigny et de Nerval. Que sont mes amis devenus ? Mais où sont les neiges d’antan ?

J’écris pour penser et pour me protéger de la pensée. J’écris pour être et pour paraître avant de disparaître. J’écris pour me souvenir des paysages et pour oublier les visages.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Pourquoi écrit-on ? Pour être, à mon avis, pour enfin être. Mais pour que le processus soit efficace, il faut un lecteur (au moins un) devant lequel on veut (con)paraître. Ecrire, c'est se souvenir, en effet, de ce qui fut et qu'on veut immortaliser par l'écriture, comme si ce qui fut (et qui déjà n'est plus) avait à peine été et qu'il fallait l'écriture pour que tout cela prenne un sens.
Répondre