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Jean C. Baudet

Voilà pourquoi j’ai cessé de penser

8 Décembre 2020 , Rédigé par jeanbaudet.over-blog.com Publié dans #Philosophie

Voilà maintenant plus d’un demi-siècle que j’ai entrepris de mêler ma voix à celle des philosophes, et je dois me rendre à l’évidence : malgré des études approfondies et des enseignements d’une haute exigence, en dépit de lointains voyages et de profitables rencontres, nonobstant de vastes lectures et de profondes méditations, je ne suis pas parvenu à répondre de manière définitive aux « Grandes Questions » :

1° les dieux existent-t-ils ?

2° les âmes humaines existent-elles, et y a-t-il une vie après la mort ?

3° existe-t-il une « dignité humaine », et les hommes et les femmes ont-ils une valeur « sacrée » ?

Je suis arrivé au commencement de mon déclin, à l’amenuisement implacable de mes capacités intellectuelles, à l’affaiblissement irrémédiable de mes ressources pensantes, et je me dois d’établir le plus objectivement possible le bilan amer de ma vie.

Ô sinistre constatation, ô désolante conclusion, ô triste et lamentable inventaire ! Depuis le temps glorieux de Thalès, de Démocrite, de Socrate jusqu’à nos jours, les philosophes, en plus de deux mille ans de recherches acharnées, n’ont pas été capables d’élaborer la moindre idée apodictique, n’ont pas pu proposer la moindre vérité, n’ont pas été en mesure de répondre un tant soit peu aux angoisses des hommes. Le contraste est saisissant ! Depuis les leçons immortelles des Grecs, la Science et la Technologie n’ont pas cessé de produire des théorèmes étonnants, des observations de plus en plus fines, des théories grandioses, des machines époustouflantes, allant jusqu’à mesurer l’âge de l’Univers, à compter les étoiles, à classer les plantes, les bêtes et les microbes, à visiter la Lune et les planètes. Et pendant ce temps, que nous ont appris les philosophes ? Rien ! Absolument rien ! Pas le moindre philosophème qui ne soit l’objet d’âpres disputes chez les penseurs. Et moi, pendant cinquante ans, qu’ai-je apporté au débat philosophique dans mes cours, mes conférences, mes articles, mes livres ? Rien ! Absolument rien. Voilà pourquoi j’ai cessé de penser. Maigre consolation : Spinoza, Hegel, Husserl, Heidegger n’on rien apporté non plus !

Je ne peux proposer qu’un âpre scepticisme. Heidegger définissait l’homme : un « être-pour-la-mort ». Je puis ajouter : un « être-pour-l’ignorance ».

Tout de même, je cultive une maigre certitude : la Science n’a pas réponse à tout, mais elle est vérifiable ; les religions n’ont réponse à rien, et elles sont invérifiables.      

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