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Jean C. Baudet

Les trois etapes de la science

11 Décembre 2016 , Rédigé par jeanbaudet.over-blog.com Publié dans #Histoire, #Science

Je voudrais, aujourd’hui, poursuivre ma réflexion entamée dans mon billet précédent, intitulé « Les bases historiques de l’épistémologie ». Sur les rapports entre science et philosophie, d’abord, je reprends à mon compte les définitions du philosophe et mathématicien britannique Bertrand Russell, qui disait que la science est ce que l’on sait, et la philosophie ce que l’on ne sait pas encore. La formule est brutale, « simpliste » diront les subtils, et pourtant force est de constater qu’il existe de nombreuses propositions « scientifiques » devenues des certitudes, alors que l’on chercherait vainement une seule proposition « philosophique » faisant l’unanimité des hommes instruits. Personne ne met plus en doute, aujourd’hui, l’héliocentrisme (Copernic, 1543) ou l’atomisme (Dalton, 1803) ou la relativité (Einstein, 1905), alors que les philosophes ne sont toujours pas parvenus à nous dire si, oui ou non, il existe une vie après la mort ! Pendant des siècles, l’astronomie fut une branche de la philosophie (on disait philosophia naturalis), et elle devint un chapitre de la science dès que le mouvement des corps célestes devint vérifiable. Il faut noter d’ailleurs que l’adoption de l’héliocentrisme, de l’atomisme et de nombreuses autres « vérités scientifiques » rencontra en leur temps de brutales oppositions (procès de Galilée, etc.).

Dans mon billet précédent, j’ai rappelé que les progrès récents de l’épistémologie ont conduit à une analyse en somme très simple de l’esprit humain (déjà magistralement esquissée par Kant en 1781), qui voit dans le processus d’acquisition des savoirs la mise en œuvre de seulement deux facultés, qui collaborent : la sensibilité (l’observation, déjà existante chez les animaux) et l’intelligence (le raisonnement, déjà en germe chez l’animal).

Il est alors stimulant et très fascinant de se rendre compte que la science a été construite par l’Humanité en trois étapes, que trois grandes dates marquèrent le développement de la « méthode scientifique ». La première étape, fondatrice de ce que l’on appellera l’esprit scientifique, est datée d’environ 600 avant notre ère, c’est l’apparition de la philosophie, qui est le rejet des traditions, par Thalès et Anaximandre de Milet. Quelques hommes, d’ailleurs bien rares, commencent de « penser par eux-mêmes », se méfiant des idées, largement invérifiables, des prêtres, des poètes, des législateurs, ou du simple « bon sens »… La rareté de ces audacieux penseurs confirme la thèse de l’historien belge des sciences Jean Pelseneer, qui faisait de la science une activité éminemment aristocratique.

La deuxième étape de l’édification de la science commence en 387 (avant la naissance supposée du Christ), avec la fondation de l’Académie par Platon. Celui-ci entame une prodigieuse analyse du raisonnement, travail qui sera poursuivi de manière proprement géniale par son élève Aristote. Cette « logique » permettra aux mathématiciens grecs (puis viendront les Indiens, puis les Byzantins, puis les Arabes…) de construire un immense, admirable et même sublime corps de connaissance (Euclide, Archimède, Apollonius, Hipparque, Nicomaque, Ptolémée, Diophante…).

La troisième étape est la formidable amélioration des possibilités observationnelles par l’instrumentation. On peut la dater de 1543, quand Copernic livre les résultats de ses observations du mouvement des planètes à l’aide du quadrant gradué. A vrai dire, les astronomes grecs avaient déjà réalisé des observations astronomiques quantitatives, mais les circonstances sociopolitiques ne permirent pas à l’instrumentation fruste des Grecs de se développer. Il fallut attendre la Renaissance pour assister au développement réellement « explosif » de l’instrumentation : instruments de dissection (Vésale, 1543), lunette astronomique (Galilée, 1610), thermoscope puis thermomètre, verrerie de laboratoire, baromètre, microscope, télescope, jusqu’à nos accélérateurs de particules et nos sondes spatiales…

Trois moments : 600 (libération de la pensée), 387 (règles du raisonnement et mathématiques démonstratives), 1543 (instrumentation). Un résultat : la science, c’est-à-dire la base de la Civilisation.

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