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Jean C. Baudet

L’objectif de la philosophie

13 Janvier 2020 , Rédigé par jeanbaudet.over-blog.com Publié dans #Philosophie

L’objectif de la philosophie est de connaître et de comprendre l’Être, c’est-à-dire Tout. C’est en 1992 que je rencontre, dans ma réflexion jusque-là dominée par le questionnement épistémologique, cette dualité de cible des philosophes (voir J.C. Baudet : « Connaître et comprendre », Revue Générale 1992(2) : 25-30). La philosophie n’est pas une spécialisation ou une discipline (elle refuse ardemment l’enfermement disciplinaire) que l’on pratique sans conséquences pour les choix de vie. La figure antique du Sage le marque déjà clairement : le Sage n’est pas uniquement un homme de suprême savoir, c’est aussi et même surtout un modèle par ses actions et son comportement. Il y a, à la source de la philosophie, deux éléments, la Connaissance et la Compréhension, c’est-à-dire l’Action, car comprendre c’est agir. C’est en devenant capable de transformer le monde, d’agir sur l’Être, que la connaissance devient compréhension, et l’on connaît le fonctionnement d’une horloge en la démontant.

A vrai dire, l’Histoire nous montre que le souci de comprendre est très antérieur au désir de connaître, et les « sagesses » de l’Egypte pharaonique, par exemple, paraissent bien avant l’avènement de la philosophie, en Grèce, vers 600 avant notre ère. C’est en découvrant la raison (le logos d’Héraclite, le noos d’Anaxagore) que la philosophie apparaît vraiment, mélange de pratique et de théorie. Voici quelques-unes des sagesses de l’Egypte antique, les dates de parution étant très approximatives : vers 2615, Imhotep : Sagesse ; vers 2590, Kaïrès : Instructions à Kagemni et à ses frères ; vers 2400, Ptah-Hotep : Maximes ; vers 2100, Kheti : Enseignement du roi Kheti III à son fils Merikarê ; vers1980, Amenemhat : Enseignement du roi Amenemhat I à son fils Sésostris ; vers 1570, Anii : Enseignement ; vers 1100, Aménémopé : Instructions. A ces lointaines époques, il y eut de nombreuses sagesses en Egypte, dont quelques-unes furent heureusement conservées. Il y en eut également dans d’autres hauts lieux de civilisation (Mésopotamie, Inde, Chine), et il faut éviter la confusion entre ces « sagesses » (que certains auteurs appellent abusivement « philosophie orientale ») et la philosophie.

Les sagesses de l’Antiquité sont de l’ordre de l’éthique : ce ne sont que des morales, ignorant le lien profond qui relie la connaissance et l’action. Les Grecs fonderont la philosophie en ajoutant la dimension épistémique à la préoccupation éthique (et donc politique).

J’ai retrouvé cette dualité dans mes études épistémologiques, quand mes enquêtes en histoire de la philosophie, en histoire des sciences et des techniques, et en histoire des religions (moins approfondies), m’ont conduit à opposer la culture (comprendre) à la science (connaître), ou plutôt à la science-technique-industrie STI (connaître). Il y a deux racines à la quête philosophique. En somme l’esprit humain est foncièrement dual, et la pensée marche sur deux jambes : la Connaissance et l’Action, la Théorie et la Pratique, l’Ontologie et l’Ethique, la Raison et le Sentiment, le cerveau gauche et le cerveau droit, l’entendement et la sensibilité, l’observable et l’inaccessible, le Passé et le Futur.

Car la Connaissance est toujours axée sur le Passé, basée sur l’examen du déjà-vu, quand l’Action est toujours nourrie de l’attente du Futur, du non-encore-rencontré. D’où la possibilité de l’Histoire, qui est une rétrospective, et l’impossibilité de la prospective. La pensée a beau se démener, elle peut parfois déterminer ce qui fut, elle ne pourra jamais connaître ni comprendre ce qui sera.

De cette impossibilité naîtra l’Angoisse. Voir Sören Kierkegaard : Begrebet Angest, 1844 ; S. Kierkegaard : Le concept de l’angoisse, 1935 (traduction par Jean-Jacques Gateau).

Ainsi, l’objectif de la démarche philosophique est-il grandiose et admirable par son projet, par ses intentions, et dérisoire (parfois jusqu’au ridicule le plus cocasse chez certains auteurs) par ses possibilités et ses réalisations. La philosophie ne nous donne pas la vérité, mais au moins elle nous préserve des raisonnements invalides, des observations mal faites, des illusions, des rêves idéologiques, et des mensonges. Et donc des fanatismes et de la terreur.

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Merci j'aime
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