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Jean C. Baudet

Les mysteres de l'Etre

12 Septembre 2016 , Rédigé par jeanbaudet.over-blog.com Publié dans #Philosophie

Les mysteres de l'Etre

La détermination de la ligne de démarcation entre la science et la philosophie est un thème majeur de la recherche philosophique. Il s’agit de distinguer le travail du chercheur scientifique de celui du philosophe, soit en reconnaissant des différences dans la méthode (les facultés mentales du sujet mises en œuvre), soit en découvrant des différences dans l’objet même de la recherche. C’est-à-dire que l’on se place, pour opposer la science à la philosophie, soit dans une perspective gnoséologique, soit dans une perspective ontologique. Ces deux perspectives n’étant d’ailleurs distinguées que verbalement, par commodité d’expression, parce qu’une réflexion suffisamment poussée montre que la question de la Connaissance et la question de l’Être sont inextricablement liées !

Nous pouvons dire, en première approximation, et presque en forme de boutade, que le chercheur scientifique étudie et s’efforce de comprendre ce qu’il voit, alors que le philosophe tente d’étudier et de comprendre ce qu’il ne voit pas. Les propositions de la science sont « claires et distinctes », et toujours vérifiables (dans les limites de l’instrumentation disponible pour observer le réel), quand celles de la philosophie comportent souvent un caractère mystérieux, ineffable, c’est-à-dire fortement émotionnel, et intrinsèquement invérifiable. L’objet de la science est l’Univers, l’objet de la philosophie est l’Être. Il y a dans cette idée d’Univers quelque chose de concret, de solide, d’évident, peut-être même de vulgaire, qui contraste avec les résonances mystiques ou poétiques (sentimentales et « indicibles ») liées à l’idée d’Être. Remarquons cependant que pour les penseurs matérialistes (de Thalès à Lénine…) l’Univers et l’Être coïncident parfaitement, et la distinction entre science et philosophie disparaît. Elle n’est maintenue que par la tradition universitaire qui, pour des raisons pratiques (le recrutement des élèves), sépare encore les facultés « des sciences » des facultés « de philosophie et lettres ». L’adjonction des belles-lettres à la philosophie est d’ailleurs significative, et l’opposition entre le caractère noble de la philosophie et le caractère populaire de la science (avec ses « manipulations » qui rappellent le travail manuel des manants) est un trait remarquable de la culture occidentale.

Mais qu’est-ce que l’Être ? L’Univers, et rien que l’Univers, décrit dans son immense complexité par les astronomes, les physiciens, les chimistes, les biologistes et les anthropologues ? Ou l’Être est-il l’Univers plus « quelque chose », ce quelque chose n’étant pas de nature matérielle (sans quoi, il ferait partie de l’Univers !) ? L’étude historique critique des systèmes de pensée, y compris dans le temps présent, montre clairement que l’apparition de cette idée d’un « quelque chose d’immatériel », c’est-à-dire d’inaccessible par les sens, correspond à l’apparition des comportements (rites) et des croyances (mythes) à l’origine du fait religieux. Ce fait religieux apparaîtrait, d’après les préhistoriens, il y a cent mille ans, quand la philosophie n’apparaît qu’il y a 2 600 ans, avec l’œuvre de Thalès. La science est encore plus récente, ne commençant à accumuler des résultats qu’à partir du XVIème siècle !

Que l’idée d’une différence entre l’Être et l’Univers ait sa source dans une croyance élaborée par l’homme de Neandertal (Homo neanderthalensis) devrait donner à penser à ceux des hommes qui prétendent réfléchir librement, sans accepter le joug de traditions quelconques. Que l’Être soit égal à l’Univers des galaxies et des étoiles, ou qu’il soit plus grand que lui, il est mystérieux et tragique. Peut-être, comme le pensait Démocrite il y a plus de deux millénaires, n’est-il formé que de particules. Peut-être, comme le pensent les religieux, contient-il autre chose ? Comment savoir ? Il me semble que l’étude critique de l’origine et de l’évolution des religions conduit au matérialisme, ce « quelque chose » qui distinguerait l’Être de l’Univers n’étant finalement qu’une manifestation de l’Espoir des humains, manifestation bien matérielle de l’instinct qui pousse tous les vivants à persévérer dans l’existence, et à rêver de vie éternelle.

Pour info :

Librairie Filigranes (Bruxelles), extrait d'une conférence sur l'histoire des sciences :

www.youtube.com/watch?v=HZNSrBg25XQ

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