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Jean C. Baudet

L’encre sympathique du poete Louis Savary

31 Juillet 2019 , Rédigé par jeanbaudet.over-blog.com Publié dans #Poésie

Le dernier recueil d’aphorismes du poète belge Louis Savary (artisan dont les mots veulent dire quelque chose, ce qui devient rare chez les successeurs de Rimbaux, de Mallarmé et d’Apollinaire, qui se prennent pour des phares éclairant de leurs amphigouries notre siècle en voie de décivilisation), vient de paraître aux éditions Les Presses Littéraires (Saint-Estève, 100 pages), qui rassemble, comme des dizaines de recueils précédents, des pensées de forte habileté verbale et des réflexions d’une lucidité cruelle : « j’ai fini par ne plus attendre que lendemains qui déchantent ». Le poète jette l’ancre à la fin de sa vie (arrivé à bon port ?), se demandant ce qu’il laisse aux frères humains qui après lui vivront, arrivé en phase terminale d’une existence de poète – quelques dizaines d’années entre une naissance sortant du néant et un décès retournant au vide – « rien de tout ce que j’ai écrit n’a changé le monde ».

Plus âprement que dans ses autres recueils, Savary consacre son fond d’encrier à jeter sur le papier les phrases les plus définitives sur les mystères de la vie, rejoignant les intuitions graves des philosophes et les pirouettes de paroles des bouffons et des chansonniers : « ma mort tombera fatalement un jour sans lendemain ».

Dans la dédicace qu’il a tracée d’une écriture encore ferme, à l’encre noire, sur la page de garde du volume qu’il m’a envoyé amicalement, Louis Savary me présente son livre comme « le dernier signe ». Les mots du poète sont les derniers signifiants de quels signifiés : de la nostalgie (que sont mes amis devenus, mais où sont les neiges d’antan ?), de la résignation hautaine (dans la voie où le sort a voulu t’appeler, souffre et meurs sans parler), du savoir suprême (je dirai quelque jour vos naissances latentes), de l’espoir fou (liberté, j’écris ton nom) ?

Le dernier recueil de Louis (mais j’espère qu’il ne sera pas le dernier) est le faire-part du décès annoncé du poète. N’est-ce pas là le sens profond de toute œuvre de l’esprit humain, poème du poète, théorème du savant, blasphème du révolté, anathème du moraliste, slogan de l’activiste, billet du blogueur, doute du philosophe ? Car écrire et publier des sonnets, des maximes, des théories, des romans, n’est-ce pas toujours utiliser un peu d’encre pour crier : « je suis vivant parmi les hommes, et je vais mourir » ?

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