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Jean C. Baudet

Pourquoi je suis si pessimiste

2 Avril 2016 , Rédigé par jeanbaudet.over-blog.com Publié dans #Philosophie

Il faut se rendre à l’évidence ! Depuis plus de vingt-cinq siècles, les meilleurs esprits du monde, les intelligences les plus aiguisées, ont tenté de comprendre en profondeur l’ensemble des choses, ont voulu découvrir les secrets de l’Être et dévoiler le sens de l’Existence, et ils n’ont ramené de leurs vastes méditations, de leurs enquêtes pluridisciplinaires et de leurs raisonnements subtils (et toujours novateurs) qu’un amas d’hypothèses incertaines, de conjectures invérifiables et de supputations contradictoires ! A peine un « grand philosophe » a-t-il pensé dans une direction, proposant une nouvelle idée pour interpréter les signes du Réel, qu’il s’en trouve un autre pour le contredire, et Aristote s’est moqué de Platon, Spinoza a ridiculisé Descartes, Heidegger a dépassé Husserl… J’ai moi-même entrepris, il y a plus de cinquante années déjà, avec un bel enthousiasme juvénile, de participer à cette recherche – qui, quoi qu’on en dise, est l’honneur de l’Humanité – des déterminations cachées de l’Univers, et je me suis jeté à corps perdu dans la lecture acharnée des « grands auteurs ». J’ai lu pendant cinq décennies, prenant des notes qui s’accumulent dans mes tiroirs et mes cartons, j’ai même à mon tour composé des textes, publiant des articles et quarante livres, et je ne sais toujours pas – ce qui s’appelle savoir – quand ni comment je vais mourir, si j’ai une âme (mortelle ou immortelle ?), et si les « valeurs » de la Civilisation sont « valables » !

Certes, à côté de la philosophie, il y a la science ! Après Platon, il y eut Galilée ; après Descartes, il y eut Newton ; après Husserl, il y eut Einstein… Nous sommes là dans le solide, dans le vérifiable, et souvent dans le vérifié. Qui doute aujourd’hui de l’héliocentrisme de Copernic et Kepler, de la pertinence du tableau des éléments de Mendéléev, de la formule du benzène, ou même des « sciences humaines », qui nous apprennent que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ? Seulement, à quoi nous sert-il de connaître que l’Univers est vieux de 13 milliards d’années, et que l’atome d’uranium contient 92 électrons ? Ce Suprême Savoir est admirable, merveilleux, exaltant, passionnant, mais à quoi sert-il à l’homme qui doit vivre sans savoir pourquoi, avec des souffrances aiguës à l’horizon ?

De cinquante années de recherches philosophiques et scientifiques, il ne me reste que quelques publications et un Grand Doute. Toute une vie pour découvrir qu’il faut douter de tout, même de la vie, et surtout des « valeurs », toujours accompagnées du plus hideux fanatisme. Ils sont plus d’un milliard à « penser » qu’il faut s’abstenir de manger de la viande de porc, et parmi eux il y en a qui iraient jusqu’à tuer d’autres hommes pour affirmer cette croyance. Ils sont plus de deux milliards à « penser » qu’il y a trois personnes en un seul dieu, et parmi eux il y en a qui iraient jusqu’à tuer d’autres hommes pour affirmer cette croyance.

La science ne répond peut-être pas aux grandes questions. Mais les scientifiques les plus certains d’être sur le chemin de la Vérité ne condamnent pas à la décapitation ou au bûcher ceux qui ne croient pas au Big Bang ou au tableau périodique des éléments chimiques. Ou aux données démographiques. Mais ces données nous apprennent que, irrémédiablement, dans une Humanité en expansion explosive, il y a de plus en plus de croyants, avec parmi eux de plus en plus de fanatiques, et il y a, proportionnellement, de moins en moins de scientifiques. Voilà pourquoi je suis si pessimiste.

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B
J'ai beaucoup aimé.Un grand mot que ce "aimé".J'ai ressenti à la lecture de ce petit billet,jusqu'au plus profond, l'exaltation,la soif de connaissance,le dépit,l'angoisse.Assez camusien finalement......
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J
Merci ! Il y a parfois des vibrations qui entrent en résonance...